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    Historique de la Cave Coopérative de Couiza et ses environs

    Par Mr Roger JEAN

     

    En 1930, à Couiza et Montazels, comme dans certaines communes avoisinantes, quelques propriétaires vivent de la culture de la vigne. Mais beaucoup plus nombreux sont ceux qui, ouvriers de la chapellerie, possèdent quelques petites vignes leur permettant de produire leur vin de consommation et d’en vendre un peu si la récolte est bonne. Chacun avait sa cave et faisait son vin. Les vendanges se faisaient en famille avec quelques amis, le samedi et le dimanche, le repas de midi ayant lieu à la vigne dans la bonne humeur.

    Mais le soir, après la pénible journée de travail des hommes, la hotte sur le dos, dans des vignes souvent pentues, le chargement des comportes en bois sur la charrette de l’ami propriétaire à plein temps venu « rendre service », il fallait mettre le raisin écrasé dans le foudre, avec sa trappe haut placée.

    Il fallait ensuite assurer la vinification dans les jours suivants…. Voilà en gros les raisons qui poussèrent les vignerons à imiter quelques collègues du Narbonnais qui venaient de créer des caves coopératives.

    Les Fondateurs :

     FRANCOIS SAUNIERE

                                                      Né à Couiza en 1861, il fut  entrepreneur en maçonnerie.  Parrallèlement  il    acheta des vignes. En 1930 avec un groupe dcave cooperativee parents et d’amis, ilDécida de créer la cave coopérative.Il en fut le Président. Il s’investit également en politique et fut Maire de Couiza de 1925 à 1935. Durant son mandat il fit construire le Foyer Municipal, le Pont de la Salz en béton armé et achetaleterrainquidevintquelques années plus tard : le parc municipal.

    Il mourut en 1939 (Paulette Mérou – petite fille de François Saunière)

    Léonce Sautès

     cave cooperative                            

    Né à Couiza an 1881, il fut secrétaire de Mairie à Luc sur Aude et ensuite à Couiza. Il était maraîcher et cultivait ses vignes avec quelques amis. Il  contribua à la mise en place de la cave coopérative en 1930 et en fut le secrétaire.

    Il mourut en 1978 (Paulette Mérou - nièce de Léon Sautès)

    Paul Saunière

     Né à Couiza d’un père maçon. Après différentes expériences professionnelles et de retour dans son village après la guerre 1914-1918 il décide de se lancer dans l’agriculture en cultivant les terres ingrates qui appartenaient à son père.

    cave cooperativeIl travaille tout au « bigos », seul, mais chaque week-end il embauche

    de la main-d’œuvre étrangère – des espagnols réfugiés de la guerre

    civile - pour l’aider à retourner la terre.

    Il a parallèlement une activité de courtier en vins.

     

    En 1930, avec d’autres agriculteurs et amis, il soutient le projet de la cave coopérative et il fait partie des membres fondateurs. Il en sera le trésorier pendant quelques années.

    L’agriculture et le potager rempliront toute sa vie faite de dur labeur au sein d’une famille exemplaire. Doué d’une intelligence très pratique, premier du canton au Certificat d’Etudes Primaires, il faisait figure de « sage » au sens premier du terme.

    Il s’éteint en 1965 à l’âge de 84 ans (Jeanine Manavella - petite fille de Paul Saunière).

    La Cave Coopérative de Couiza-Montazels et ses environs était née et commençait son histoire.

    Les adhésions vont affluer, les plus enthousiastes seront les plus mal équipés pour faire leur vin, ceux ayant investi dans du matériel de vinification (cuves, pressoir, etc…) adhèreront plus tard au fil des années.

    La nouvelle cave allait supprimer le travail de vinification aux vignerons, mais ils devront toujours vendre eux-mêmes leur vin à un négociant de leur choix. Mais après 1965 les coopérateurs décideront de faire en commun la vente du vin par la cave, c'est-à-dire celui qui restait après avoir écoulé la « Buvette », vin réservé à la consommation familiale de l’année.

    Avant la fin des années 1950, le travail de la vigne se faisait avec les chevaux pour les viticulteurs à temps plein. Les autres vignerons travaillaient leurs vignes à la main, avec le « bigos » une pioche légère à deux pointes. Le piochage des vignes s’effectuait les jours chômés à l’usine,  le samedi et le dimanche matin ; il débutait en mars et durait jusqu’en mai. Certains jeunes, dont les parents ne possédaient pas de vignes, se louaient ces jours-là pour gagner un peu d’argent de poche. En juillet, on binait pour couper l’herbe envahissante.

    En hiver il fallait, de fin novembre à fin mars, tailler les vignes et ramasser les sarments. Il y avait aussi à faire de grands trous pour remplacer les souches mortes.

    En mai, l’on poudrait les jeunes pousses avec du souffre qui faisait pleurer les yeux. Ensuite, l’on sulfatait avec un mélange de sulfate de cuivre et de chaux dissous dans l’eau.

    En fait beaucoup de travail, pour un rapport que l’on qualifierait aujourd’hui de peu rentable.

    Ensuite les chevaux ont été remplacés par les tracteurs, les « bigos » par les motoculteurs, les lourdes machines à sulfater en cuivre par des machines légères en matière plastique, les comportes par des bennes, les charrettes par des véhicules à moteur et aujourd’hui, partiellement, les vendangeurs par des machines à vendanger.

    Moins de cris et rires dans les vignes, mais aussi moins de vignes.

    Les générations nouvelles d’ouvriers viticulteurs n’ont plus voulu accepter ces sacrifices tout au long de l’année pour un résultat médiocre.

    Les coteaux se sont couverts de broussailles et puis de pins et de chênes. Seuls ont résisté les vignerons à temps plein qui se sont modernisés et ont récupéré quelques vignes abandonnées.

    Et l’on a vu la Cave perdre des adhérents après la période d’ascension des premières décennies, les primes à l’arrachage venant accélérer le mouvement.

    Autrefois, beaucoup de vignes étaient plantées de plusieurs cépages (Aramon, Carignan (majoritaires), Cinsault, Picpouille et Alicante. Ce cépage donnait un raisin au jus très rouge idéal pour « mouster ou chaponner » les jeunes vendangeuses ayant oublié un raisin sur la souche lors des vendanges - (mouster, chaponner, signifie écraser le raisin sur le visage).

    On trouvait chez les propriétaires importants des parcelles plantées d’un cépage unique. Il y avait aussi un cépage de raisin blanc dénommé « Blanquette d’Azille » qui servait à élaborer la blanquette familiale « mousseux » aujourd’hui « blanquette ancestrale » et la « carthagène » mélange de moût de raisin et d’alcool de marc qui venait égayer la fin des repas de fête.

    Aujourd’hui sont toujours cultivés les cépages anciens comme le Carignan, le Cinsault, avec d’autres, nouveaux pour la région, le Cabernet Sauvignon, le Merlot, pour les vins rouges, et le Mauzac et Chardonnay blanc pour les vins blancs et la « Blanquette de Limoux ».

    Le nombre d’apporteurs va augmenter de 1930 à 1960 :

    1930 (139) 1940 (173) 1950 (367) et 1960 (592)

    et diminuer de 1960 à 2002 :

    1970 (444) 1980 (413) 1990 (227) 2000 (93)

    Evolution de la production de la Cave (en hectolitres) :

    1930 (4507) 1940 (898 grêle) 1950 (9510) 1960 (12128) 1970 (26912) 1980 (27876) 1990 (16058) 2000 (7977)

    L’analyse de ces chiffres est nuancée par plusieurs éléments :

    pour les hausses :

    1° engouement des chapeliers viticulteurs pour la nouvelle Cave

    2° les fusions avec les caves d’Espéraza (1972) et d’Antugnac (1988)

    3° l’évolution des moyens de culture de la vigne

    pour les baisses :

    1° l’évolution des industries qui laissent moins de temps libre aux ouvriers

    2° le vieillissement de la population et le désintéressement des jeunes générations pour la

    culture de la vigne

    3° la politique d’arrachage avec primes.

    Voici quelques dates importantes dans l’histoire de la Cave :

    1930 – 1963 Elle se construit et s’aménage

    1963 – 1976 Elle s’agrandit

    1984 – 1985 Elle refuse à son grand désavantage d’adhérer au Groupement des Producteurs

    1994 Elle adhère au Groupement des Producteurs Sieur d’Arques

    1992 La Cave change de nom et va s’appeler « Les Hauts d’Aldae »

    (Aldae : nom latin du fleuve qui après s’être appelé Atax est devenu Aude)

    1996 Elle crée un Caveau de vente de ses vins dans une cuve désaffectée

    2001 Elle adhère au groupe de commercialisation de la Cave « Anne de Joyeuse »

    dont le siège est Limoux

    2002 L’ancienne raison sociale de la Cave disparaît et il n’y a plus de vinification

    dans ses chais.

    La récolte des adhérents est apportée sur l’aire de la Cave dans des containers spéciaux qui sont transportés ensuite à la Cave Anne de Joyeuse à Limoux pour la vinification. Le Caveau géré par cette dernière est là pour servir aux adhérents le vin qu’ils souhaitent. Les clients du secteur et les touristes peuvent acheter les vins de la région et d’autres objets utiles ou décoratifs.

    Informations

    A la création de la Cave il fut remis à chaque adhérent un livret de comptes individuel portant le titre suivant :

    Société Coopérative de Vinification de Couiza et ses environs

    Il porte son nom et un numéro d’adhérent.

    En première page, on trouvait les directives suivantes :

    Adhérent : la Cave t’appartient. La renommée sera ce que tu la feras : d’abord par l’apport d’une vendange saine, ensuite par le paiement régulier du montant de tes frais.

    Administrateur : n’oublie jamais que tu gères le bien d’une collectivité.

    L’honnêteté et le dévouement sont à la base de cette gestion.

    Article 13 des statuts : l’exclusion est prononcée d’office contre tout adhérent ayant falsifié les produits qu’il a apporté à la Coopérative.

     

    Nous avons pu réaliser cet historique grâce au recueil édité par le Conseil d’Administration de la Cave des Hauts d’Aldae, route d’Espéraza 11130 Montazels. Tél. : 04 68 74 04 76

    E mail : cave-des-hauts-daldae@wanadoo.fr

    et la bienveillance de Mr Rémi Fort, Président de la Cave Anne de Joyeuse.

    Nous remercions bien vivement les personnes ayant œuvré à la création de ce recueil très intéressant :

    Mr René Pons – Président en 2002. Les viticulteurs-auteurs : Mmes Marie Christine Bayona, Catherine Geny, Eliane Lacondemine, Monique Pons, Mr Vincent Toregrosa

    Nos remerciements vont aussi aux personnes et techniciens qui ont aidé à cette réalisation collective.

     


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