•     document communiqué au Club « Age Vermeil » relatif au
                                                                                                  COLLEGE
     
         L’Historien Fernand Braudel, dans l’un de ses 2  ouvrages intitulés  « l’Identité de la France », émet cette idée que toute contrée recèle les germes de sa richesse et qu’il appartient à ses habitants de les découvrir pour les faire éclore. Notre Haute Vallée a, au cours de son histoire, fourni maintes preuves de la justesse de cette idée.  Ce sont les Romains découvrant et exploitant la vertu des eaux de Rennes. C’est l’abbé Félix Armand de Quillan ouvrant  avec ses seuls paroissiens une voie vers les riches plaines du Roussillon à travers la barrière rocheuse de la Pierre Lys. Ce sont enfin ces hommes et ces femmes qui ont fait naître et prospérer des industries du bois, de la chapellerie, de la chaussure, de la matière plastique, apportant la richesse au sein de ces « affreuses montagnes » comme l’écrivait, à la fin du XVIIème siècle, l’évêque Pavillon après avoir rejoint son évêché d’Alet.
        
         A son  modeste niveau, la création  du Collège Intercommunal de Couiza et les péripéties de son évolution ont corroboré cette idée que, là où il y a une volonté,  il y a une  voie  Créé à la fin des années 50 à l’initiative des élus locaux avec l’autorisation provisoire de l’Inspecteur d’Académie du moment, le G. O. D. de Couiza (Groupe d’Observation Dispersé n’accueillant que deux classes : 6e et 5e) devenait Collège d’Enseignement Général, toujours à titre provisoire. Son effectif était alors d’une trentaine d’élèves. Dans les années 70, peu avant son inscription sur la carte scolaire, il en  comptait de 350 à 400, suivant les années. Pendant toute cette période qu’on pourrait qualifier de « pionnière », que d’énergie, d’esprit d’initiative et d’inventivité il a fallu déployer, tant du côté de la population, à travers ses élus locaux et le Syndicat Intercommunal de Gestion, que des enseignants et des parents.
         Au départ donc, l’unique support logistique a été le « Syndicat Intercommunal de Gestion du Collège de Couiza » regroupant, en gros, les Communes du canton auxquelles sont venues s’adjoindre d’autres communes, notamment les plus importantes, celle de Campagne sur Aude et surtout celle d’ Espéraza, commune fournissant un  important contingent d’élèves.
         La première classe de 6e , comptant une quinzaine d’élèves recrutés grâce au « bouche à oreille », a été installée dans le groupe scolaire existant. Il a vite fallu trouver de nouveaux locaux, on a donc transformé les préaux en salles de classe. L’effectif augmentant, la Mairie de Couiza a pris la décision de construire une nouvelle école primaire, affectant au seul Collège le groupe scolaire. Enfin, le Syndicat Intercommunal a pris en charge l’implantation de bâtiments préfabriqués soit 6 classes et un bloc administratif. Une anecdote en passant, significative de l’état d’esprit animant enseignants et élus, un fort vent ayant soulevé une partie de la toiture d’une classe préfabriquée dans la nuit d’un samedi au dimanche, l’adjoint au maire de Couiza et le Principal du Collège ont passé leur matinée du dimanche à réparer les dégâts afin que la classe puisse accueillir les élèves le lundi. N’oublions pas, enfin, la transformation des garages en cuisine et réfectoires.
         Dès la création du Collège, il a été évident que, pour son avenir, beaucoup allait dépendre du transport des élèves même si, au début, le personnel enseignant assurait, gratuitement, la surveillance des études et l’accompagnement des élèves d’Espéraza au car de la ligne de 19h, nouvelle preuve de cet esprit pionnier dont il est question plus haut. Grâce à une collaboration étroite entre le Syndicat Intercommunal, le transporteur et le Collège, un service relativement succinct a été mis en place puis étendu au fil des années permettant, enfin, le transport des ¾ de l’effectif, ceci impliquant, d’abord un aménagement des emplois du temps de façon à éviter des horaires trop matinaux pour les élèves les plus éloignés, ensuite, et avec l’accord des parents, une péréquation permettant un tarif unique quelle que soit la distance effectuée.
         Le service de cantine, assuré au départ par un  traiteur, a été par la suite pris en charge par le CIVAM, organisme agricole d’organisation de stages basé au Château des Joyeuse, et ce jusqu’à la nationalisation.
           
         Au plan pédagogique, la mission du Principal et de son équipe était d’asseoir la réputation du Collège afin d’obtenir son inscription sur la carte scolaire académique. Les résultats obtenus au BEPC au cours des années suivant la première sortie des élèves de 3e ont été exceptionnels. Quelques élèves présentés directement dès la classe de 3e ont été reçus à l’Ecole Normale malgré la concurrence d’élèves issus de seconde ou de classes préparatoires au concours. Cela ne suffisait cependant pas pour que soit « officialisé » l’établissement. C’est par le biais de l’innovation pédagogique qu’il était décidé de donner au Collège une identité propre à attirer sur lui l’attention de l’autorité académique. La décision nationale de prolonger la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans allait fournir l’occasion de le faire par le biais de la création d’une Section d’Education Professionnelle (SE.P.) avec un enseignement organisé en alternance avec des stages dans des entreprises artisanales, commerciales et industrielles. Tous les artisans, commerçants et industriels locaux ont accueilli avec enthousiasme cette initiative et c’est avec leur indispensable collaboration qu’ont été mises en œuvre les modalités de fonctionnement de la S.E.P. En première année, les élèves devaient choisir trois stages différents, dont un en milieu industriel. En deuxième année, soit un stage fixe, soit possibilité de continuer à choisir des stages différents. L’alternance était d’une semaine en stage, une semaine au Collège. En classe, les deux enseignants s’attachaient à renforcer les fondamentaux scolaires, lecture, écriture, calcul, en relation directe avec les expériences acquises dans les stages. Ces enseignants assuraient en outre la liaison avec les chefs d’entreprises grâce à des visites hebdomadaires. Une réunion de tous les chefs d’entreprises était organisée à la fin de chaque année scolaire. Cependant, l’air du temps n’étant pas favorable à l’association Education/Profession, le ministère a supprimé les S.E.P. pour les remplacer par le vocable 4e et 3e Pratiques. La S.E.P. du Collège a donc été remplacée par une 4e Pratique (1ère année) et 3e Pratique (2ème année) sans que les modalités de fonctionnement soient changées.
         La relation étroite entre Collège et Entreprises a fait germer l’idée de la création, au sein du Collège, d’un centre de formation continue, ce qui a été réalisé et a permis à une cinquantaine de salariés de fréquenter, une fois par semaine, les installations de l’établissement en participant aux différents ateliers (remise à niveau scolaire, travail du fer, couture, conduite de réunions). Le Collège a pu ainsi bénéficier du versement des taxes d’apprentissage qui lui ont permis d’équiper l’atelier dont il avait été doté.
        
         Venons-en maintenant à l’organisation pédagogique des classes dites « traditionnelles ».
        
         Le Principal du Collège et son ami de longue date, le Principal du Collège de Capendu, avaient longuement réfléchi sur le projet de l’organisation des classes en groupes de niveau. Après en avoir discuté avec leurs équipes pédagogiques, ils ont décidé de présenter un projet commun à l’Inspecteur d’Académie et d’obtenir éventuellement son autorisation d’engager l’expérience. Son avis étant favorable, il ne restait plus qu’à affronter les difficultés inhérentes à un tel changement.
         Il s’agissait de répondre au mieux à l’hétérogénéité des élèves en impulsant une pédagogie de la réussite. Pour ce qui concerne le Collège de Couiza, l’effectif entrant en 6e variant de 80 à 100 élèves, selon les années, 4 groupes de niveau ont été mis en place en Français, en Math et en Langues (2 groupes en Anglais, 2 groupes en Espagnol), ces groupes étant à effectifs variables et recevant des dotations horaires différentes.
         Une concertation hebdomadaire du personnel enseignant permettait au départ d’établir un programme noyau, puis un suivi et des programmes et des élèves, des décisions de passage d’un groupe à un autre étant constamment possible. La répartition des élèves dans les 4 groupes de la classe de 6e se faisait à la fin de l’année de CM2, au cours d’une réunion entre maîtres de CM2 du secteur et professeurs de 6e. Cette réunion permettait également au maîtres des écoles primaires d’avoir un suivi de leurs anciens élèves.
         Au fil des ans, cette organisation a été élargie à l’ensemble des classes (6e, 5e, 4e, 3e).
         Après avoir passé une demi-journée dans l’établissement, l’Inspecteur d’Académie qui avait autorisé la mise en œuvre du projet a réuni l’ensemble du personnel et l’a assuré, qu’après ce qu’il avait vu au cours de son inspection, « il n’était pas possible de fermer un tel établissement ».
         La partie était en passe d’être gagnée.
         Quelque temps plus tard, deux inspecteurs généraux sont descendus du ministère et ont passé une journée entière au collège, à la suite de quoi le Principal a reçu une lettre de la part du Directeur des Collèges du ministère adressant ses félicitations à l’ensemble du personnel.
        
         On pourrait encore citer d’autres innovations, en particulier celle consistant à organiser l’orientation des élèves de 3e sous la forme de contrats passés entre chaque élève et le collège dès le premier trimestre, après une journée hors les murs appelée « journée de Rennes les Bains ». Elèves,  professeurs et conseiller d’orientation étaient réunis à Rennes un mercredi choisi peu de temps après la rentrée. Après une assemblée plénière permettant au Conseiller d’Orientation de communiquer des informations sur la procédure de l’orientation et les différentes possibilités offertes aux élèves, ceux-ci étaient répartis en petits groupes dans des ateliers où les professeurs grâce à des techniques de dynamique de groupe, les amenaient à prendre conscience de l’importance de leur devenir à travers le contrat qu’ils allaient devoir souscrire. A midi, une grillade commune préparée par le Conseiller d’Education, agrémentait la journée et permettait de rapprocher profs et élèves.
        
         En marge de la scolarité proprement dite on pourrait évoquer les traditionnelles excursions pédestres sur deux journées qui ont permis aux élèves qui se sont succédé de gravir les pentes du Pic de Bugarach, ou de rejoindre St-Paul de Fenouillet via les Gorges de Galamus, ou de découvrir l’ « Eau Salée », source de la Sals, après des nuits «  à la dure » à Bugarach, au Linas, à Fourtou ou à Cubières.
         On pourrait encore se souvenir des représentations théâtrales données au Foyer de Couiza ou dans la salle des fêtes d’Antugnac ou encore dans le « Jardin du Curé » de Rennes le Château ou dans les ruines de l’Evêché d’Alet. N’oublions pas non plus les « animations historiques » du Château des Joyeuse et de Rennes le Château.
     
         Après la nationalisation dotant, ce qui n’était plus le GOD ou le CEG mais le Collège Intercommunal de Couiza, d’une administration patentée (Intendance, Secrétariat, Conseiller d’Education) voici que la départementalisation des Collèges a permis la réalisation d’aménagements somptuaires aux yeux de celles et de ceux qui ont dû, avec de faibles moyens mais avec une volonté à toute épreuve, faire en sorte que le provisoire devienne définitif. On ne peut que se satisfaire de cette évolution, avec un regret cependant que le Collège ait perdu son qualificatif d’Intercommunal.
     
                                                                                                                            
                                                                                                                              Mai 2011
                                                                                                                      Mr Jean AUBERT
    Ancien Principal du Collège


    votre commentaire